Un extrait du roman Les Hunger Games par Suzanne Collins.
An extract from the novel The Hunger Games by Suzanna Collins, translated into French!
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Guillaume Fournier.

Chapitre 18 [Page 239 – Page 243]

Le garçon du district Un meurt avant de pouvoir récupérer son arme. Ma flèche lui transperce le cou. Il tombe à genoux et l’arrache, ce qui réduit de moitié le peu de temps qui lui reste. Il se noie dans son propre sang. J’ai déjà encoché une nouvelle flèche et je braque mon arc à droite, à gauche, tout en criant à Rue :
Il y en a d’autres ? Il y en a d’autres ?
Elle doit me répéter Non plusieurs fois pour que je l’entende.

Elle s’est roulée sur le flanc, recroquevillée sur l’épieu. Je repousse le corps du garçon lion d’elle et sors mon couteau afin de libérer. Un seul regard me suffit pour comprendre que sa blessure dépasse largement mes pauvres connaissances en médecine. Celles de n’importe qui, probablement. La pointe disparaît dans son ventre jusqu’à la hampe. Je m’accroupis devant elle en fixant l’arme avec impuissance. Inutile de chercher des paroles de réconfort, de lui raconter qu’elle va en sortir. Elle n’est pas stupide. Elle me tend la main et je m’y cramponne comme à une bouée de sauvetage. Comme si c’était moi qui étais en train de mourir, et non pas Rue.

Tu as détruit les provisions ? me demande-t-elle dans un souffle.
Il n’en reste pas une miette, je réponds.
Il faut que tu gagnes.
Compte sur moi. Je vais gagner pour nous deux.

Un coup de canon me fait lever la tête, sans doute pour le garçon du district Un.

Ne me laisse pas.
Rue me serre la main de toutes ses forces.
Bien sûr que non. Je reste là, dis-je.
Je me rapproche encore, je pose sa tête sur mes genoux. Je ramène délicatement ses mèches noires et épaisses derrière son oreille.
Chante-moi quelque choses, me demande-t-elle d’une voix presque inaudible.
Chanter ? me dis-je. Chanter quoi ?
Je connais bien quelques chansons. Croyez-le ou non, on chantait chez nous, autrefois. Et je n’étais pas la dernière. Mon père m’entraînait, avec sa voix splendide – mais je ne chante pratiquement plus depuis qu’il est mort. Sauf quand Prim, ma sœur, est très malade. Dans ces cas-là, je lui fredonne les airs qu’elle aimait étant bébé.

Chanter. J’ai les larmes aux yeux, la gorge nouée, la voix enrouée par la fumée et la fatigue. Mais, puisque c’est la dernière volonté de Prim, je veux dire de Rue, je peux au moins essayer. L’air quine revient est une berceuse toute simple, de celles qu’on chante aux bébés affamés qui n’arrivent pas à s’endormir. Elle est ancienne, très ancienne. Je crois qu’elle a été composée il y a très longtemps, dans nos collines. C’est ce que mon professeur de musique pelle un air de montagne. Mais les paroles sont apaisantes, faciles à retenir, et promettent des lendemains meilleurs. Je toussote, j’avale ma salive et je me lance :

Sous le vieux saule, au fond de la prairie,
L’herbe tendre te fait comme un grand lit
Allonge-toi ferme tes yeux fatigués
Quand tu les rouvrais, le soleil sera l’vé

Il fait doux par ici, ne crains rien
Les pâquerettes éloignent les soucis
Tes jolis rêves s’accompliront demain
Dors, mon amour, oh dors, mon tout petit.

Rue a battu des cils et fermé les yeux. Sa poitrine se soulève encore mais tout juste. Mes larmes coulent le long de mes joues. Mais je dois terminer ma chanson.

Tout au fond de la prairie, à la brune,
Viens déposer tes peines et ton chagrin
Sous un manteau de feuilles au clair de lune,
Tout ça s’oubliera au petit matin

Il fait doux par ici, ne crains riens
Les pâquerettes éloignaient les soucis.

Le dernier couplet est presque inaudible.

Tes jolis rêves s’accompliront demain.
Dors, mon amour, oh, dors, mon tout petit.

La forêt est tranquille et silencieuse. Et puis, de manière presque irréelle, les geais moqueurs reprennent ma chanson. Je reste assise là, les joues mouillées de larmes. Le canon retentit pour Rue. Je me penche sur elle et dépose un baiser sur sa tempe. Lentement, comme si je ne voulais pas la réveiller, je lui repose la tête par terre et retire ma main. Il va falloir m’en aller maintenant. Afin qu’ils puissent enlever les corps.

La mort de Rue m’oblige à reconnaître ma propre colère devant la cruauté, l’injustice dont nous sommes les victimes. Mais ici, plus encore que chez nous, je ressens mon impuissance. Je n’ai aucun moyen de me venger du Capitole. Pas vrai?

Je me rappelle alors les paroles de Peeta sur le toit : Je voudrais seulement trouver un moyen de… de montre au Capitole que je ne lui appartiens pas. Que je suis davantage qu’un simple pion dans ses Jeux. Et pour la première fois, je comprends ce qu’il voulait dire.

Au revoir, Rue, je murmure.
Je presse trois doigts de ma main gauche contre mes lèvres et les tends dans sa direction. Après quoi je m’éloigne sans un regard en arrière.

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